Symptômes, anticorps : premiers résultats sur le COVID-19

Séroneutralisation: cellules infectées (gauche) ou non (droite)

Photo: test de séroneutralisation. A gauche, les cellules ont été infectées par le virus. A droite, les cellules sont intactes, protégées par des anticorps neutralisants présents dans le sang de la personne testée.

Fin février 2020, l’idée a germé de solliciter les participants de l’étude épidémiologique E3N-Générations (anciennement étude familiale E3N-E4N), pour faire avancer la recherche sur le nouveau coronavirus (SARS-CoV-2). Ces volontaires aident la recherche en santé, depuis 30 ans pour une grande partie d’entre eux, en répondant régulièrement à des questionnaires sur leur santé et leurs habitudes de vie et en donnant des échantillons biologiques (sang, salive). Habitués à contribuer à la recherche sur le cancer et les grandes maladies chroniques, c’est cette fois pour aider à comprendre une nouvelle maladie infectieuse qu’ils sont sollicités.

Gain de temps précieux

Pour mieux comprendre le nouveau coronavirus, s’appuyer sur ce qu’on appelle une cohorte en population générale, c’est-dire un large échantillon d’individus « lambda », malades ou non, permettait de contacter très vite de nombreuses personnes prêtes à aider la recherche, dont la santé et les maladies antérieures sont déjà connues des chercheurs. Un gain de temps précieux face à une épidémie nouvelle s’étendant à un rythme effréné.

Plusieurs grandes cohortes françaises (Constances, E3N-E4N, Nutrinet-Santé, ELFE-Epipage2) se sont ainsi lancées dans une vaste collaboration, avec l’aide de collègues spécialistes des maladies infectieuses. Près de 140 000 personnes ont accepté de participer en avril-mai 2020 aux projets SAPRIS et SAPRIS-SERO, dirigés par les chercheurs Nathalie Bajos, Fabrice Carrat, Gianluca Severi (à la tête de la cohorte E3N-E4N), Mathilde Touvier (cohorte Nutrinet-Santé), Marie Zins (cohorte Constances) et Xavier de Lamballerie (qui a piloté les analyses de sérologie).

Tests sérologiques et questionnaires

Les participants ont été interrogés à plusieurs reprises sur leurs conditions de confinement, leurs éventuels symptômes et suivi médical. Environ 100 000 participants ont donné leur sang pour une batterie de tests sérologiques, grâce au soutien financier de l’Agence Nationale de la Recherche, la Fondation pour la Recherche Médicale, et l’Inserm, qui coordonne la recherche.

Comme souvent avec les recherches basées sur des cohortes nationales, une très grande variété de thématiques peut être étudiée, et ce sur le long terme :

  • dynamique de l’épidémie,
  • facteurs aggravant le risque d’infection,
  • effets psychologiques du confinement,
  • inégalités sociales face à l’infection ou dans l’accès aux soins…

Taux d’infection : des écarts marqués entre régions

Les résultats issus de l’analyse de 14 500 premiers échantillons, prélevés en mai-juin, ont permis de préciser quelle part de la population avait été infectée dans trois régions françaises. Dans les plus touchées, Ile-de-France et Grand-Est, respectivement 10 % et 9 % des adultes portaient des anticorps en mai-juin. Dans une région plus préservée, Nouvelle-Aquitaine, ils n’étaient que 3 %.

Séroprevalence : des écarts marqués entre régions

Facteurs de risque et symptômes

Le croisement des tests et des questionnaires a aussi éclairé sur les déterminants du risque d’infection. L’âge : les 30-50 ans étant davantage infectés que les plus âgés. On peut faire l’hypothèse, à vérifier, que la moindre fréquence des contacts sociaux ou encore des comportements de prévention plus marqués aient protégé les aînés. La présence d’enfant(s) au domicile ou le petit nombre de pièces du logement se traduisaient également par davantage d’infections.

Le tableau des symptômes se précise aussi. Chez les personnes testées positives, une sur deux avaient eu des symptômes évocateurs apparus 15 jours avant, notamment maux de tête, fatigue, nez qui coule, ou encore perte d’odorat ou de goût pour un participant sur quatre. Mais ces symptômes se retrouvent aussi chez des personnes négatives, sans doute infectées par la grippe ou d’autres maladies saisonnières. Autre enseignement important : parmi les personnes testées positives au coronavirus, une sur 5 n’avait aucun symptôme. Ces conclusions confirment l’importance des tests en laboratoire pour pallier un diagnostic difficile.

En plus des recherches sur les informations déjà collectées, le projet tente d’obtenir des fonds supplémentaires pour effectuer deux nouvelles campagnes de tests sérologiques chez certains participants déjà testés afin d’étudier la persistance des anticorps dans le sang et la durée de protection qu’ils procurent.